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NEA Newsletter n 56. Notre Europe… ou la reinvention de l’Europe

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NEA Newsletter n 56
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EDITORIAL

Pourquoi «notre Europe»(1)? Tout d'abord pour s'approprier la construction de l'Europe, un bien commun, plutot que s'en remettre a d'autres: s'en remettre au jeu des rapports de force geopolitiques, ou s'en remettre au libre jeu des forces economiques et interets financiers. Ensuite, a-t-on suffisamment percu la forte resonance affective de «notre Europe»? Elle, si mal aimee de ses propres concitoyens. C'est une invitation a l'aimer davantage. Cet attachement si soudain, si prenant et si torturant qui nait avec la question: et si l'Europe n'existait pas!

Au moment ou l'Europe semble prendre un allant nouveau: son affirmation dans la crise financiere, sa capacite a reprendre la main parce qu'elle etait devenue le dernier recours dans la debacle financiere, son leadership dans le debat sur l'energie et le climat. Ajoutons ce debut de «gouvernance economique» qui semble prendre corps: Delors l'a reve, Sarkozy s'y attelle. «La zone euro doit disposer d'un gouvernement economique clairement identifie. Une Banque centrale independante doit pouvoir dialoguer avec un vrai gouvernement economique: un gouvernement de l'Eurogroupe au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.» Peut-on etre plus clair? Et c'est le Parlement europeen qui, a son tour, affirme (par 499 voix contre 130 et 67 abstentions): «La premiere reunion des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro appelle un developpement ulterieur». Quel gouvernement, en Europe, peut rever d'une majorite parlementaire aussi confortable? Et si l'Europe parvenait de surcroit a stabiliser ses rapports avec la Russie dans un partenariat aussi avantageux pour l'une que pour l'autre, alors elle aura tous les moyens de devenir une puissance de premier plan, un repere.

C'est l'heure de l'Europe! Elle a deja un acquis et peut se soumettre sans crainte a la serie des tests identitaires, meme si, paradoxe, c'est le non europeen qui en a une vision plus claire et plus realiste, plus que l'europeen de vieille souche. En elle, on trouve les ressorts de l'influence et de la responsabilite vis-a-vis des autres et la capacite de mettre en coherence toutes les diversites. Seule, capable de donner du contenu, un sens, un esprit de conciliation, une structure operationnelle. L'Europe s'appuie sur la legitimite des regles, la puissance toute vertueuse de la norme, de la loi. La force aussi, mais pour l'Europe elle n'est qu'un element parmi d'autres, ni le premier, ni le seul: l'ambition de la puissance continue a choquer l'Europe et la memoire historique fait surgir en elle des cauchemars dont la puissance dissuasive reste forte. Elle n'a pas de reve imperial.

Dans cette fantastique redistribution des pouvoirs, des richesses, mais aussi des solidarites nouvelles, dans le choc des nouvelles emotions collectives (les peurs, la confiance et l'espoir retrouves), dans ce long cortege de defis et de risques (defi energetique, defi climatique, risques sanitaires et alimentaires, proliferations criminelles, exacerbation des flux migratoires), l'Europe se situe incontestablement aux avant-postes. Tout rend la redistribution des pouvoirs inevitable. C'est la precisement que l'Europe retrouve toute sa pertinence de meneur, simplement parce que toute son histoire n'est qu'un long apprentissage de la relativite du pouvoir! Elle est mieux preparee a la nouvelle configuration du monde, plus que la democratie americaine pour qui le partage strategique restera toujours problematique. Elle n'a supporte a ce jour que des suppletifs, meme et surtout avec l'Europe. La longue marche exemplaire de l'Europe l'a eduquee, faconnee, annees apres annees, echecs et reussites alternes, a cette culture du partage, du compromis. Reflechissons! Y aurait-il, quelque part ailleurs, une puissance politique plus convaincante?

Des questions encore taboues pour elle: l'euro est-il un veritable succes? Quelle est sa portee reelle? Au bout du compte, qui nous gouverne? Bruxelles? L'Europe peut-elle nous proteger et en quoi? Notre modele social europeen est-il reellement condamne a l'illusion du faux-semblant? Avons-nous besoin de leaders? Ou sont-ils et ou est leur legitimite? L'Europe au secours de la planete, un avatar megalomaniaque? Pouvons-nous nous imaginer en acteur independant de premier plan? Pouvons-nous dire ce que nous voulons? Le confort de l'irresponsabilite ou demander un nouveau Bretton Woods, une nouvelle Charte de San Francisco? D'autres prendront naturellement la place qui leur revient.

Repondre demande un sursaut: l'Europe doit s'imposer a la sauvagerie de la mondialisation comme un element regulateur. Si l'Europe ne s'affirme pas, la question de l'existence de l'Europe sera resolue par defaut, dit sans relache Hubert Vedrine, son identite etant absorbee dans un occidentalisme a la fois inquietant et incertain. Une mobilisation de la grande opinion publique est necessaire. Qu'elle mesure les dangers de l'absence de l'Europe. Et si l'Europe n'existait pas?

(1) «Notre Europe» est le titre de la fondation creee par Jacques Delors, c'est aussi le titre d'un ouvrage recent d'un collectif d'une vingtaine de personnalites europeennes, sous la direction de Nicole Gnesotto et Michel Rocard (ed. Robert Laffont.)

№11(27), 2008

№11(27), 2008