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NEA Newsletter n 55. Les droits de l’homme sont-ils universels?

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NEA Newsletter n 55
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EDITORIAL

La question est legitime au moment ou on celebre le 60 ieme anniversaire de la «Declaration universelle des droits de l'homme». Que veut-on dire par «universel»? Simplement qu'elle s'appuie sur un socle naturel et rationnel qui s'impose a tous et depasse (transcende) toutes les considerations culturelles particulieres. Tous les etres humains quels que soient leur age, leur lieu de naissance, leur sexe ou leur religion, tous les etres humains ont droit au respect de leur dignite, de leur integrite physique, de leur liberte d'expression et de convictions, le droit de vivre decemment, de recevoir une education, de travailler, d'etre soigne, d'avoir une administration impartiale et efficace, etc.

Cette vocation universaliste est nee au XVIII e siecle dans le sillage des Lumieres. Or depuis quelques annees, des pays, des mouvements, des individus expriment des reserves croissantes et parfois violentes sur le caractere universel des droits de l'homme. Ils assimilent le discours universaliste a une posture colonialiste. Apres avoir impose sa domination, sans partage, sur le plan politique et economique, l'Occident entendrait imposer au reste du monde ses valeurs et imposer par ce biais la perpetuation de sa domination. Pour defendre leur these, ils s'appuient sur la notion de diversite culturelle, d'ou un relativisme des droits de l'homme qui legitimement pourraient donc varier en fonction des traditions, de l'histoire, du systeme politique.

On peut comprendre ce raisonnement, mais il ne faut pas etre naif au point de se laisser duper: un tel raisonnement, peut-etre estimable en soi, concretement arrange tres bien toutes les dictatures et fait en sorte que perdurent les pratiques de domination de pseudo traditions sur les individus: domination de la femme sous mille formes (excisions, mises a mort en cas d'adultere, mariages precoces ou sans le consentement, mise sous tutelle permanente, reclusion), le travail precoce des enfants, l'interdiction de changer de religion ou de pratiquer une religion minoritaire, etc.

Ceux qui recusent l'universalite des droits ont bien compris que c'est l'emancipation de l'individu a l'egard du groupe qui est en cause et c'est le respect et l'application des droits fondamentaux qui permettent cette emancipation.

Par contre ne soyons pas naifs, non plus, au point de croire que l'Occident est impeccable dans le respect des droits fondamentaux a l'interieur de son territoire comme a l'exterieur : il est loin de mettre en pratique ce qu'il prone. La force de la legitimite des droits de l'homme serait singulierement plus forte si nos democraties etaient exemplaires. Il est inutile d'enumerer la longue liste des violations commises qui ont fait perdre tout credit moral a ceux qui pretendent «imposer» leurs valeurs. Les lecteurs de NEA say... liront deux articles: l'un portant precisement sur la celebration du soixantieme anniversaire de la Declaration et l'autre sur l'audition organisee au Parlement europeen par Giusto Catania en vue de son rapport sur l'Agence europeenne des droits fondamentaux. Ces deux evenements avaient des objectifs et des configurations differents; or, dans les deux cas, nombreux furent les participants qui parlerent de l'hypocrisie, du double discours, du «deux poids, deux mesures», des exces de l'individualisme forcene si bien que chacun pourrait hesiter a choisir entre le poids du groupe et la solitude de l'homme abandonne a lui-meme, exclu de la societe: la pauvrete n'est-elle pas dans nos pays d'abord la consequence d'une solitude sans solidarite, pourrait-on dire si on voulait se risquer a commettre un pleonasme? Ce double discours a des consequences politiques redoutables, et les lecteurs verront qu'une des premieres consequences est la perte d'influence de l'Union europeenne au sein des Nations Unies, ou elle se retrouve progressivement plus isolee. N'y a-t-il pas un lieu plus propice pour l'Union europeenne pour qu'elle s'y deploie dans toute l'ampleur de ses valeurs que par ailleurs elle met en avant avec constance? Cela ne doit pas rester de la pure rhetorique.

Le respect des droits fondamentaux de la personne est un acquis incontournable, insurpassable et sa visee universelle est pleinement legitime. Reaffirmer l'unicite profonde de l'humanite represente un absolu, s'en detourner ou s'en eloigner feraient courir a l'humanite de grands perils. Certes, reste ensuite a trouver une application harmonieuse de ce droit universel, dans des societes encore profondement marquees par la tradition, la religion. Mais si on n'y regarde de plus pres, la difficulte n'est pas aussi grande qu'il y parait : chaque culture possede au plus profond d'elle-meme des principes communs aux autres cultures : ne fais pas a autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse a toi-meme est commun a Confucius et au christianisme. En matiere de tolerance religieuse, on lit dans les Evangiles qu'il y a "plusieurs maisons dans la demeure de mon pere", formule que l'on retrouve quasiment identique dans le Coran. Les genes de la democratie sont presents dans toutes les cultures (1).

Plus que jamais, le message universaliste des droits de l'homme garde toute son actualite. C'est ce message que la Haut Commissaire aux droits de l'homme Mme Navanethem Pillay, est venue porter au Parlement europeen a l'occasion de la celebration du 60 eme anniversaire de la Declaration universelle des droits de l'homme. Elle fit une intervention claire, ferme, avec beaucoup de courage politique car chacun de nous en pressent les risques. Ce discours n'appelle pas de commentaires, ou une de presentation quelconque : il faut simplement le lire. NEA say... le publie.

(1) Simonetta di Cagno nous rappelle le petit (85 pages) mais magnifique livre de Amartya Sen, Prix Nobel d'economie: la Democratie des autres (ed. Payot) Lisez-le!

№10(26), 2008