Grand partenariat Eurasiatique global : déni de la réalité ou retour à la réalité?


En 2016, le thème de la mise en place d’un Grand Partenariat Eurasiatique Global (ci-dessous le GlobGPEA) est devenu l’un des plus gros scoops  dans le domaine de la politique extérieure globale. Plusieurs personnes aux Etats-Unis d’Amérique et en Union Européenne (EU) ont eu l’impression que ce thème a surgi de nulle part, du néant, qu’il n’a ni fondement, ni historique, que ce n’est que de la pure spéculation, et que par conséquent on peut le prendre de haut, que rien n’empêche de s’en moquer, de le vilipender ou tout simplement de l’ignorer.

Drôle d’approche, évoquant la formule « si je ne le sais pas, c’est que ça n’existe pas ». Mais ceux qui aiment disserter au sujet de quelque chose « qu’ils n’ont jamais lu, ni vu » seront déçus (on croyait d’ailleurs que cette « estimable » tradition de l’époque soviétique était tombée aux oubliettes, mais non : elle a survécu, elle est restée indemne et s’est même épanouie, mais sur un  terrain totalement différent).

Ces amateurs en question se trompent : le thème de GlobGPEA est tout à fait viable, réaliste et fort prisé. Avec le temps, il aura de plus en plus de portée et d’impact sur les processus mondiaux.

Je vous propose de réfléchir ensemble, comment et pourquoi ce thème va évoluer, de réfléchir sur la base des pratiques existantes et des définitions conceptuelles circonstanciées, et non d’une façon abstraite.

 

Disciples hautement qualifiés de Saint Thomas

Il y a quelques semaines, nous avons visité, à l’invitation de ses dirigeants, le Centre d’études de la politique européenne (CEPS)[1] un des « think tanks » européens de pointe basés à Bruxelles qui servent les intérêts de l’Union Européenne. Entre autres, on a, bien évidemment, abordé le thème de GlobGPEA. Quelle ne fut pas notre surprise quand nos confrères du CEPS, des personnes expérimentées, compétentes et ayant de l’autorité en la matière, tenues en très haute considération  par les institutions européennes, nous ont déclaré, en faisant l’innocent, que le GlobGPEA est une « fiction non-scientifique ». Traduit du langage diplomatique, cela veut dire: du galimatias, du n’importe quoi.

Quand on a demandé des explications, nos camarades de recherches scientifiques, sans le moindre embarras, nous ont déclaré ce qui suit : du point de vue de l’économie réelle, le projet de GlobGPEA est dépourvu de tout sens, il n’a aucun contenu pratique. Il existe un point « A », représenté par la Chine en tant que « l’usine du monde », et un point « B » représenté par l’UE en tant que plus gros marché de consommation au monde. Entre ces deux points c’est le désert. La Chine n’a besoin que d’une chose : transférer/acheminer vers l’Occident tout ce qu’elle produit, en tirant/dégageant du profit. Elle n’a besoin de rien d’autre. Ce qu’on y ajoute vient du Malin.

Le développement des régions de transit n’est pas profitable, ni pour l’Europe, ni pour la Chine ; dans les faits, elles n’y sont pas intéressées du tout. Contribuer au développement de ces régions signifierait gaspiller des ressources financières énormes, qui – théoriquement – peuvent être utilisées avec des bénéfices et des profits beaucoup plus importants. Puisque les points « A » et « B » sont déjà liés entre eux, on n’a besoin de rien de plus.

Le gros des exportations chinoises vers l’UE est acheminé par la mer. C’est plus long, mais plus économique. Il n’y a rien de moins cher. Les livraisons sont régulières, ne créent ni excédents, ni déficit ; elles permettent de garantir la fourniture et la vente des marchandises de la façon la plus rationnelle possible, en gardant la flexibilité maximale.

Le développement des couloirs de transport alternatifs, par le biais de la construction d’autoroutes modernes et de chemins de fer à grande vitesse pour le fret de conteneurs, ce développement n’est pas en état de concurrencer le fret maritime, il exigerait des investissements colossaux qui ne sont pas rentabilisables dans un avenir prévisible. Le transport routier et ferroviaire, vu les distances, sera toujours trop cher quelle que soit la solution technique appliquée.

Seuls l’acheminement de la marchandise dans le cadre des contrats à terme et l’acheminement des denrées périssables feront l’exception. Mais leur part dans le volume global du commerce est minime ; le transport aérien de ce genre de marchandise est déjà mis sur pied, l’infrastructure nécessaire est créée et même rentabilisée, il n’y a pas de raison pour la faire sauter, d’autant plus qu’elle permet de travailler en temps réel, à la différence du transport routier ou ferroviaire.

Donc les appels à l’établissement du GlobGPEA sont de pures fantaisies, sans aucune base économique. Ce sera impossible de trouver pour ce projet des fondements économiques tant soit peu rationnels et raisonnables. Les conversations au sujet de GlobGPEA ne sont que du verbiage.

Eh bien, ces supputations sont assassines. Elles auraient été suffisantes pour faire échouer n’importe quel navire, même celui qui n’a pas encore été mis à la mer, si seulement elles correspondaient quelque peu à une réalité objective.

En fait, une telle corrélation n’existe pas. La pratique politique et la réalité économique sont bel et bien différentes. Analysons-les, ne serait-ce dans des grandes lignes.

 

De la déclaration d’intention vers les voies concrètes de la négociation

Dans l’histoire de la progression de l’initiative politique sur la création du GlobGPEA, à la différence de plusieurs autres histoires, ce sont les paroles qui ont suivi les actes. Des négociations au plus haut niveau ont eu lieu d’abord en Russie, puis en Chine ; durant ces négociations les leaders des deux puissances se sont mis d’accord sur la conjugaison des projets grandioses de Pékin relatifs à la construction de la Ceinture Économique de la Route de la Soie (CERS) avec les activités de l’Union économique eurasiatique.  Cet arrangement est une vraie percée. Dans les faits, les parties ont accepté de collaborer et d’interagir le plus étroitement possible, et non de s’éjecter mutuellement de la Grande Asie Centrale ; elles  ont accepté  d’éviter une concurrence déloyale dans cette région ; elles ont consenti une mise au service général de la puissance économique chinoise, qui est classée deuxième, et dans certains domaines première économie mondiale. Ni Moscou, ni Pékin ne vont obliger les pays de la Grande Asie Centrale à choisir entre l’un ou l’autre partenaire, et c’est une approche fondamentalement différente comparée à celle que préfèrent, ou en tout cas préféraient jusqu’à maintenant, les USA et  l’UE.

Afin de faire évoluer cet arrangement, le Conseil Suprême Economique Eurasiatique, composé des chefs d’Etats-membres de l’UEEA, a décidé de mener  en commun les  négociations avec Pékin.

En d’autres termes, l’accord bilatéral entre la Russie et la Chine a été soutenu par tous les membres de l’UEEA. Cet accord a pris un format multilatéral. Qui plus est, les Etats-membres de l’UEEA ont pris soin de lui donner un caractère orienté sur son applicabilité. Ils ont confié à la Commission économique eurasienne la tâche de mener les pourparlers avec Pékin. Le travail ad hoc est déjà en cours[2].

En outre, les Etats-membres de l’UEEA envisagent la conclusion avec la Chine d’un contrat de coopération commerciale et économique non préférentielle[3].

L’UEEA a signé avec le Vietnam un accord sur la zone de libre-échange[4]. Cet accord est déjà entré en vigueur[5]. La signature d’accords semblables avec plusieurs autres Etats est envisagée, et dans certains cas des démarches concrètes ont déjà été entreprises.

Parmi ces Etats on peut citer la Serbie[6], l’Inde[7], Israël[8], le Chili, l’Egypte[9] et ainsi de suite, une quarantaine au total, et même plus[10]. Avec Pékin, on a convenu que la création d’une zone de libre-échange était pour l’instant prématurée, les Etats-membres de l’UEEA n’y sont pas encore prêts ; cet accord aurait rendu vulnérable leurs économies respectives. Il faut trouver une autre façon d’approfondir la coopération économique entre l’UEEA et la Chine.

C’est dans ce contexte que, lors du Forum Economique International de Saint-Pétersbourg (FEISP)[11] le Président de la Russie, Vladimir Poutine, a lancé l’idée de la création du GlobGPEA, qui a été ensuite concrétisée pendant les négociations avec les Etats-membres de l’ANASE (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) et exposée depuis la tribune du forum économique de Vladivostok. Dans ses discours le leader politique russe a formulé les principes fondamentaux de la mise en place du GlobGPEA, a souligné que ce partenariat aura pour fondement l’OCS (l’Organisation de coopération de Shanghai)[12], l’UEEA et la conjugaison entre la Ceinture Economique de la Route de la Soie et les activités de l’UEEA ; il s’est exprimé au sujet des projets économiques, énergétiques et d’infrastructures qui pourraient être réalisés dans le cadre de la mise en place du GlobGPEA ; il a appelé les pays asiatiques et européens à participer conjointement au le lancement du GlobGPEA.

On comprend donc d’emblée la teneur de l’initiative de la mise en place du GlobGPEA et ce que ce partenariat va représenter une fois lancé, dans quelles directions il va évoluer et sur quoi il sera basé. Ce n’est pas très sérieux de ne pas le voir, de l’ignorer, de le taire.

 

Composants-clés du Grand Partenariat Eurasiatique Global

L’étude approfondie des idées du GlobGPEA est actuellement non seulement au stade de la négociation, mais aussi  en phase de réalisation bien concrète. Des projets infrastructuraux, qui s’inscrivent dans la conception du Partenariat, sont en train de se réaliser partout : dans la région Caspienne, sur les côtes Baltes, à l’Extrême Orient russe de nouveaux ports maritimes sont en construction, afin d’accélérer et de traiter plus efficacement diverses marchandises, acheminées dans toutes les directions. Les ports maritimes acquièrent un statut de zone de libre-échange, ce qui rend leur utilisation moins onéreuse et plus profitable.

On voit se construire des autoroutes à plusieurs bandes de circulation et des lignes ferroviaires à grande  vitesse, reliant l’Est à l’Ouest, le Sud au Nord, ainsi que des réseaux de pipelines, dont le plus connu porte le nom de « Force de la Sibérie »[13]. La future construction du gazoduc entre la Russie et l’Inde fait aussi beaucoup parler d’elle. L’accord relatif à cette construction a été conclu en marge d’une rencontre entre deux puissances principales de la super-région à Goa, où s’est tenu cette année le sommet annuel des BRICS[14].

Au même moment « Rosneft » [le premier producteur de pétrole russe] a conclu une transaction relative à l’acquisition de la (presque) moitié des actions de la plus grosse compagnie énergétique indienne[15]; cette transaction a été, naturellement, suivie de plusieurs d’autres[16]. Tout ceci démontre la réelle signification de la politique globale moderne du « business inclusif ». La société « Rosneft » est devenue propriétaire d’un complexe de raffinage (et de 2,7 mille stations-service en prime), ayant appartenu aux partenaires indiens, et elle y achemine le produit brut extrait au Venezuela[17]. Les Indiens ont reçu les moyens financiers dont ils avaient besoin pour éviter la faillite et s’acquitter partiellement des dettes les plus pressantes, et ils peuvent bénéficier de la fourniture garantie des hydrocarbures provenant du Venezuela, ainsi que des fournitures futures  par le biais d’un gazoduc venant de Russie. Le Venezuela dispose désormais d’une source de revenus garantie, puisque le pétrole, qui y est extrait, a une composition complexe, et la raffinerie indienne dispose de tous les équipements nécessaires qui lui permettent de le transformer.

La transaction russo-indienne a bouclé le circuit transcontinental d’extraction, de transport, de transformation et de vente des énergies, ce qui bénéficie à toutes les parties[18].

A la différence des sceptiques Occidentaux, nous percevons la conjugaison des unions étatiques avec des grands projets économiques (en particulier, entre la Ceinture Economique de la Route de la Soie et l’Union Economique Eurasiatique)  comme un outil du développement accéléré de la Grande Asie Centrale, de l’Extrême-Orient russe et de la Sibérie Occidentale. La réalisation des projets infrastructurels et la création des couloirs de transport, horizontaux comme verticaux, y connecteront des régions éloignées, les transformeront en points de croissance, les rendront plus attrayantes pour les investisseurs, les incluront dans des circuits de production et de vente. C’est précisément ce dont elles ont besoin. Chaque région a ses propres avantages naturels qui pourront être utilisés au bénéfice de tous.

Du point de vue économique, la Russie peut apporter pas mal de choses qui pourraient contribuer à l’enrichissement du contenu concret du GlobGPEA. Il s’agit des réseaux mondiaux de communication, de détection de position exacte de tous les objets en mouvement, de télédétection spatiale etc. ; il s’agit aussi de mise en orbite de satellites avec des chargements utiles et des fonctionnalités différentes, ainsi que du savoir-faire dans le domaine de longs séjours en apesanteur[19].

Il s’agit aussi de logiciels de tous gabarits : s’étendant des jeux d’ordinateur éducatifs aux systèmes de gestion et de calcul de tous niveaux de complexité, en passant par leur protection contre le piratage et autre intrusion externe. Il s’agit de la construction de centrales nucléaires de nouvelle génération à sécurité renforcée et de qualité supérieure, domaine dans lequel la Russie est un leader mondial reconnu[20]. Il s’agit de la fourniture d’énergie garantie et sûre dans toute la super-région de GlobGPEA. D’après des statistiques bien connues, la Russie assure 10% de la production des énergies primaires[21] ; elle en transforme et consomme une moitié et en exporte l’autre moitié. Lors du Forum économique de Vladivostok le business russe a proposé de créer un anneau énergétique asiatique et s’est assuré du soutien politique nécessaire à la réalisation d’un mégaprojet économique d’une telle envergure[22]. Il s’agit aussi de matériels militaires d’une gamme étendue, allant des sous-marins et navires de surface aux dispositifs antiaériens dernier cri. Sans oublier la formation professionnelle multidirectionnelle des citoyens des Pays tiers, formation et perfectionnement des cadres et ainsi de suite.

On pourrait continuer la liste, mais tout ceci ne concerne que ce qui se trouve à la surface, ce qui est évident. Notre Pays a beaucoup d’autres avantages naturels, parmi lesquels on peut citer l’abondance d’eau douce, qui manque aux pays de l’Asie Centrale, du Sud et du Sud-Est ; de vastes territoires, avec des terres fertiles et un climat favorable, qui peuvent être transformés en grenier de la super-région (le littoral pacifique russe pourrait parfaitement jouer ce rôle, à condition d’utiliser des technologies agricoles de pointe et une gestion efficace) ; le froid en quantité illimitée, gratuit et durant toute l’année (les possibilités de son utilisation multifonctionnelle sont pratiquement inépuisables); le transfert du centre de stockage d’information dans le Cloud, du centre d’application des technologies des grands nombres etc. dans la région subarctique russe pourrait être très rentable.

L’ampleur possible de la contribution de la Russie dans le perfectionnement de la coopération économique et de régulation de l’économie mondiale pourrait être confirmée par son expérience de présidence des BRICS, de l’APEC, de l’OSC, des G20 et G8. Chaque fois que Moscou en prenait la direction, les structures internationales commençaient à agir plus vigoureusement, plus efficacement et judicieusement. Moscou les orientait vers l’obtention de résultats, vers un travail selon un agenda le plus pertinent possible et qui répondait aux attentes de tous les participants[23]. Ce qui est très précieux.

En outre, la Russie serait favorable pour discuter la possibilité d’inclure la Route maritime du nord dans les couloirs transcontinentaux, qui constituent le pivot du GlobGPEA. D’ailleurs il en était question lors d’une conférence scientifique, organisée par le Conseil de la Fédération de Russie chargé des affaires internationales à Moscou en automne 2016[24]. Il faudra, bien évidemment, aménager la Route maritime du Nord pour assurer une navigation stable et régulière, quand cette route se sera un peu élargie suite au réchauffement climatique ; il faudra construire une flottille de brise-glaces de nouvelle génération, qui pourraient escorter les convois de navires ou transporter la marchandise transbordée, tout en faisant face aux intempéries. Tout ceci exige des investissements colossaux.

Les sceptiques affirment qu’il est trop tôt pour en parler. Il n’est pas encore défini qui va transporter quoi par la Route maritime du Nord. La Chine satisfait ses besoins actuels en transport de fret en utilisant les voies existantes ; elle a beaucoup investi dans leur modernisation pour renoncer à leur exploitation. Il est peu probable que la Chine augmente le flux de marchandises, d’autant plus elle a d’autres objectifs liés à sa réorientation vers le marché intérieur. D’autant plus que la mondialisation fait une pause, et que tout le monde a décidé de miser sur la régionalisation, ce qui désavantagera la mise en exploitation de la Route maritime du Nord.

Ce sont des arguments de poids. Il faudra absolument en tenir compte. Mais la vie n’en reste pas là : la course-poursuite pour la conquête de l’Arctique a déjà commencé, les commandes de brise-glaces de nouvelle génération ont déjà été passées, les premiers appels d’offres pour le rééquipement des ports du Nord sont lancés. Et ce sont les plus grosses compagnies du monde, qui n’ont pas l’habitude de jeter l’argent par la fenêtre, qui ont emporté les marchés.

La question d’accorder à ces ports le statut juridique de zone de libre-échange est à l’étude. Les essais d’escorte des convois par la Route maritime du Nord se sont avérés probants : le gain de temps est important et les frais d’exploitation sont moins élevés, jusqu’à 30%. Cela signifie que l’exploitation de la Route maritime du Nord est extrêmement rentable, et que par conséquent, une fois bien aménagée, cette Route maritime va attirer vers elle une partie du trafic international des marchandises. Ainsi donc la Route maritime du Nord constitue en soi une réserve importante qu’on pourrait mettre au service de GlobGPEA.

 

Multiplicité d’objectifs et des aspects de la coopération dans le cadre du Grand Partenariat Global Eurasiatique

La coopération économique, des mégaprojets, la conjugaison des intégrations constituent une dimension très importante du GlobGPEA, mais elle n’est pas unique. Il y en a d’autres, et pas de moindre importance. Nous avons besoin de sécurité interne et externe afin d’assurer un développement stable et progressif, d’assurer des conditions favorables pour la conduite des affaires et pour la planification stratégique à tous les niveaux – l’avenir de nos enfants, le maintien des marché existants et la conquête ou la création de nouveaux marchés, rééquipement technique de l’industrie et du secteur tertiaire, gestion des ressources de l’Etat et définition de nouveaux objectifs pour le pays. On a besoin de garanties contre l’ingérence extérieure et contre l’imposition de modèles d’organisation sociale ou autre, de modèles qui n’ont pas été durement acquis par la société elle-même et qui correspondent mal, ou même pas du tout,  à la mémoire historique du peuple et aux spécificités du contexte actuel. On a besoin de règles du jeu sur la scène internationale précises, bien pesées, admises  et respectées par tous les pays sans exception, on a besoin d’un ordre mondial stable, d’un ordre mondial qui nous placerait à l’abri des imprévus et qui empêcherait la substitution de mesures collectives multilatérales par des  mesures unilatérales.

C’est tout cela que le GlobGPEA est sensé nous apporter. Ce Partenariat doit être basé sur le respect rigoureux des principes et des normes fondamentaux du droit international en vigueur, dans le sens du terme strictement positif, systémique et mutuellement avantageux. Tous les pays qui font figure de moteur, actuel ou potentiel, du GlobGPEA, et au premier chef la Chine, la Russie et le Kazakhstan, ont effectivement convenu d’inclure dans les principes fondamentaux inclusivité, coopération internationale non-discriminatoire, égalité souveraine, non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, non-recours à la menace ni à l’usage de la force, respect de toutes les cultures, religions et civilisations . Un accent particulier est mis notamment sur l’inclusivité qui est l’œuvre conjointe des peuples dans la définition de leur avenir et la formulation de règles communes  auxquelles tous les Etats doivent se conformer. S’y ajoutent le choix des décisions tactiques et stratégiques, qui ne laisseraient personne à l’écart et qui assureraient un développement progressif de chacun, et par conséquent un développement sûr et stable de tout le monde; sans oublier la politique définie de la sorte qui permette à chacun d’apporter sa contribution matérielle et intellectuelle dans ce processus strictement positif.

Déjà dans les années 1990 le leader kazakh, Noursoultan Nazarbaïev, a avancé l’idée de la mise en place, en Asie, d’un système de sécurité collective[25]. Des consultations ont démarré et des structures internationales de soutien ont été créées. Maintenant les propositions de créer un système de sécurité collective dans notre super-région sont plus que jamais d’actualité, puisqu’elles répondent à des besoins concrets. La compréhension de ces besoins a subi une évolution significative, et pour cause : la tension monte, la ligne de conflits et d’instabilité part de la Méditerranée pour arriver à l’Océan Pacifique en passant par le Proche Orient et la Grande Asie Centrale. Aujourd’hui elle touche tous les coins de la planète, divers et dissemblables. Même l’Europe du Sud et du Sud-Est ne sont pas épargnées, et pas seulement l’Asie du Nord-Est et du Sud-Est. Des différends territoriaux, et assimilés, entre la Chine et le Japon, la Chine et le Vietnam et autres pays de l’ANASE, le Japon et la Russie, l’Inde et le Pakistan et ainsi de suite, ces différends sont devenus coutumiers et font partie du quotidien de la vie politique intérieure et internationale. Sans parler des guerres de religion et de l’offensive généralisée du terrorisme international. On ne peut plus le tolérer, il faut agir de toute urgence pour ne plus devoir « éteindre l’incendie » quand il est devenu incontrôlable, pour ne plus ouvrir son parapluie quand l’averse est déjà tombée, pour ne plus se mettre à la poursuite des événements, mais pour anticiper leur évolution selon un scénario négatif. Le GlobGPEA propose une solution.

La montée des tensions dans différentes parties de la super-région, sous l’influence de forces externes, est un fait avéré. Le droit international en vigueur interdit rigoureusement les activités subversives, la fourniture d’armes aux groupes illégaux, la mise à disposition de son territoire pour le repos, la formation et le perfectionnement des forces armées de l’opposition, ainsi que  d’autres groupements armés illégaux. La plupart de ces activités, ou encore la complicité avec les groupes terroristes, leur financement, approvisionnement et soutien, sont qualifiés par les traités internationaux et les résolutions de l’Assemblée Générale de l’ONU d’actes d’agression et/ou de crimes internationaux. Mais durant presque un quart de siècle nos confrères occidentaux ont préféré l’ignorer, en défendant leurs propres intérêts mercantiles étroits et mal compris. Ce qui a eu comme conséquences l’embrasement du Grand Moyen Orient ; la mise à feu et à sang de la Libye, de l’Irak, de la Syrie, des deux Soudan, du Yémen, de l’Ukraine, de la Géorgie etc. ; la guerre interminable en Afghanistan ; l’apparition d’une « internationale » terroriste dont les sympathisants se sont installés non seulement dans le Grand Moyen Orient, mais aussi en Europe, en Grande Asie, pratiquement partout. Il est temps de restaurer une compréhension et une application normales du droit international[26], d’exiger que son interprétation ne permette à qui que ce soit, en particulier à Washington et à Bruxelles, de recourir unilatéralement à la force, qu’elle soit militaire, économique ou informationnelle.

Il est temps de mettre en place des institutions et des mécanismes qui barreraient la route à tous ceux qui   manipulent à leur guise les résultats des élections parlementaires et présidentielles dans d’autres Pays, qui   remplacent les gouvernements tombés en disgrâce en utilisant tous les moyens du bord pour causer des dommages à un Etat avec lequel ils n’arrivent pas à mener un jeu honnête de concurrence. Ce sont aussi des tâches que le GlobGPEA sera appelé à résoudre, des objectifs qu’il devrait atteindre. Il est important de souligner qu’il en a les moyens, car les Etats les plus importants de la planète feront partie de ce Partenariat. Avec une volonté politique, ils auront assez de forces et de moyens pour prévenir le danger de heurts entre eux, pour déjouer les tentatives de forces externes de déstabiliser la situation dans certains pays et secteurs de la super-région.

La Russie est prête à travailler avec dévouement pour assurer le succès de cet aspect du GlobGPEA. Moscou a beaucoup à offrir, à mettre dans une « marmite commune » : en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, sans qui aucune décision relative à la guerre ou à la paix ne puisse  être prise ; en tant qu’une des puissances nucléaires les plus importantes de la planète, qui soutient la parité nucléaire dont dépend la stabilité stratégique de la Terre entière ; en tant que Pays qui a un potentiel des plus efficaces pour mener une guerre défensive et offensive, ce qu’a démontré l’intervention des Forces de défense aérospatiale russes en Syrie ; en tant qu’un des plus gros fournisseurs d’armes modernes sur le marché mondial ; en tant que nation qui se bat depuis toujours pour l’équité dans les relations internationales, contre les envahisseurs et contre les idéologies qui affirmaient la supériorité civilisationnelle de certains peuples ou nations par rapport aux autres.

Tout ceci concerne aussi la « sécurité douce ». Elle est aussi fortement recherchée dans la région de la Grande Eurasie que la « sécurité dure ». Le terrorisme, l’extrémisme, la criminalité organisée, le trafic de drogues, la migration illégale, la montée des entités subétatiques illégales qui concurrencent ouvertement les institutions étatiques officielles, l’orchestration de l’extérieur des opinions protestataires, les cyberattaques, l’activité de sape téléguidée de l’étranger – tout ceci constitue un défi pour tous les Pays de la Grande Eurasie, même pour les plus puissants et les plus stables. C’est un aspect supplémentaire du GlobGPEA auquel les Etats-membres vont prêter une attention particulière.

La Russie pourrait aussi jouer un rôle moteur dans ce domaine de la sécurité douce. Notre pays est à la pointe du combat contre le terrorisme international. Il ne s’agit pas exclusivement de la guerre que les forces armées russes ont déployée contre l’Etat islamique. La Russie était parmi les premiers Etats à subir le coup du terrorisme international, soutenu par des forces extérieures hétéroclites. Mais elle a réussi à lui faire face. Elle a réussi à prouver qu’on peut vaincre le terrorisme international, et qu’il faut le faire ; elle a accumulé une expérience colossale de la coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Le 11 septembre 2001 quand les Etats-Unis sont devenus victime du terrorisme international, la Russie était la première à leur tendre la main et s’est impliquée avec courage dans la mise en place d’un front international antiterroriste. Et ce n’est sa faute si ce front n’a pas fonctionné pleinement, s’il y a partout de plus en plus de partisans, d’adeptes, de complices du terrorisme international, si le terrorisme se propage sur toute la planète comme une tumeur cancéreuse.

Dans le cadre du GlobGPEA, la Russie pourra convaincre ses partenaires de ne pas commettre  d’erreurs et de mécomptes stratégiques (propres à la politique des pays de l’OTAN, les Etats-Unis en tête), de ne pas soutenir les terroristes, de ne pas les utiliser contre les Pays en disgrâce, de ne pas séparer le monde en « les nôtres » et « les autres », de ne pas trahir ses partenaires et ses alliés potentiels. Et le GlobGPEA va y parvenir

L’expérience que notre Pays possède est unique dans son genre sous beaucoup de rapports. Moscou sera prête à la partager généreusement pour le bien de tout le monde. Citons un petit exemple de notre propre expérience diplomatique : le président du Tatarstan, Roustam Minnikhanov, s’est rendu au Grand-Duché de Luxembourg pour une visite de travail. Il y est reçu au plus haut niveau, malgré le fait que le Luxembourg assumait à ce moment-là la présidence  du Conseil Européen ce qui impliquait mille et une activités des plus importantes qui se succédaient sans interruption. Le programme de son séjour prévoyait une rencontre avec les dirigeants de la Chambre des députés et du gouvernement, même avec le Grand-Duc. Durant la rencontre au Palais grand-ducal le chef de l’Etat a demandé à son invité de dévoiler sa façon de faire face à l’islam radical. Les explications données ont tellement impressionné le Grand-Duc qu’il a annulé les rencontres suivantes et a passé avec l’homme politique russe beaucoup plus de temps qu’il n’avait été prévu initialement. Plus tard le Grand-Duc a avoué qu’il aurait aimé passer encore plus de temps avec Roustam Minnikhanov, puisque l’expérience du Tatarstan est extrêmement importante  pour les pays de l’UE où les problèmes de ce genre ne vont que s’accumuler et prendre des formes de plus en plus odieuses. Donc nos acquis sont très importants pour toute l’Europe, pour le Grand Moyen Orient, pour la Grande Asie Centrale, pour toute la super-région. Mais pour que les autres puissent en bénéficier, il faut que certaines conditions, un cadre institutionnel et  des procédures appropriés soient créés. Le GlobGPEA peut potentiellement assurer tout ce qui y est nécessaire.

 

Fondement idéologique du Grand Partenariat Eurasiatique Global

Affirmer que le projet de GlobGPEA vient d’on ne sait où, que sa conception n’est pas bien étudiée, et par conséquent n’est qu’une « fiction non scientifique », signifierait non seulement pécher contre la vérité, mais aussi ignorer complètement les deux derniers siècles d’évolution de la pensée politique.

Le GlobGPEA a des racines profondes dans l’histoire. Sur le plan conceptuel, il prend sa source à l’époque des batailles politiques aigües, en Russie, entre les slavophiles et les occidentalistes. L’enjeu des débats, dont les répercussions se font encore entendre,  se résumait au choix de la voie du développement. A l’époque, comme maintenant d’ailleurs, il était question soit de  suivre le mouvement de la civilisation occidentale, soit de miser sur sa propre voie spécifique et indépendante ; il était question de savoir s’il existe des recettes universelles à appliquer ou s’il faut considérer que chaque société doit, après bien des épreuves, prendre  telle ou telle décision en s’assurant qu’elle soit juste et adoptable.

En raison de son repliement sur lui-même et de sa faible amplitude, le mouvement des slavophiles ne pouvait que péricliter. Pourtant les sujets de leurs réflexions et de leurs discussions, leurs raisonnements ont été  repensés avec créativité par les pré-eurasistes et les eurasistes proprement dit. Leurs noms sont inscrits en lettres d’or dans l’histoire des mouvances politiques[27]. Les eurasistes ont découvert quelques constantes inconditionnelles de l’évolution sociale, avec des preuves à l’appui assez convaincantes. Les conclusions qu’ils avançaient peuvent être présentées schématiquement de la façon suivante :

Le développement historique n’a pas de caractère linéaire. Ce serait erroné de considérer, comme le font beaucoup de philosophes et des idéologues Occidentaux, que l’humanité évolue vers un idéal commun, incarné par le mode de vie Occidental, en montant l’escalier (l’évolution) pas à pas. D’un côté, on ne sait pas où pourrait mener cet escalier. De l’autre côté, il doit en exister plusieurs, de ces escaliers. Si on en emprunte un, on peut se retrouver dans l’impasse, ou l’ascension peut ralentir ; si on en suit d’autres, l’ascension peut prendre  force et  dynamisme.

Le degré de justesse de leur raisonnement a été démontré par la dégénérescence de la société Occidentale vers le nazisme et l’hitlérisme, qui ont apporté à l’humanité des peines et des souffrances innombrables. Sur le plan positif, on peut parler de l’expérience d’une montée fulgurante de la Chine moderne, et avant elle du Japon et de la Corée du Sud.

Il n’y a pas de cultures, pas de civilisations supérieures ou inférieures. L’humanité est riche de sa diversité. Chaque Pays, chaque peuple apporte sa contribution dans la civilisation humaine universelle, une contribution plus ou moins importante, mais il en apporte quand même. En englobant les autres cultures ou civilisations sous prétexte de les faire s’approcher des meilleurs exemples, en les forçant à sauter les étapes de l’évolution endogène qui peuvent être importantes pour elles, nous anéantissons la diversité, nous nous appauvrissons, nous diminuons la variabilité, réduisons les possibilités de choix, de ce choix dont l’humanité doit toujours disposer. Nous coupons des branches d’évolution qui pourraient éventuellement se transformer ultérieurement en tronc de l’évolution de la civilisation humaine. C’est pour cette raison qu’il faut traiter toutes les cultures avec respect et vénération, y compris la culture russe et la culture de tous les peuples qui font partie de cette nation. C’est pour cette raison qu’il faut transformer en politique quotidienne les paroles et la proclamation formelle de l’équité et de l’égalité en droit.

Je me permets d’ajouter qu’une approche différente sert à faire renaître le fascisme et d’autres idéologies misanthropiques qui lui ressemblent. Le messianisme basé sur le postulat «nous savons ce qui est mieux, vous devez donc accepter le modèle de développement politique, social et économique que nous vous apportons ; sinon on vous y contraindra par le chantage économique ou par la force des armes », ce messianisme est apparenté au fascisme et autres idéologies misanthropiques ci-dessus.

Chaque civilisation, qui aspire à la modernisation, a le choix : soit adopter la civilisation qui est associée au modèle de référence, soit préserver son identité et miser sur une recherche de sa propre voie et sur la protection contre l’imposition de l’expérience d’autrui. Il n’y a pas d’autre cas de figure. On ne peut pas être enceinte à moitié. Soit vous empruntez tout à une civilisation, totalement et d’une façon systémique,  et alors vous ressemblerez en tous points à cette civilisation ; soit, en l’empruntant, mais d’une façon incohérente et non-systémique, et en vous conformant quand même au modèle étranger réprouvé par la société, vous refusez les outils originaux et les moteurs de développement et vous ne les recevez pas de la civilisation matrice. Vous vous condamnez à être un éternel poursuivant des autres, tout le temps et dans tous les domaines, puisque il n’y a que ces outils originaux et moteurs en question qui fonctionnent efficacement, et il n’y a que la civilisation matrice qui en dispose, cette même civilisation qui sert de modèle.

Par conséquent, la tâche consiste à contrer la civilisation Occidentale. Trois autres objectifs en découlent naturellement: le premier objectif consiste à ériger une barrière sur la voie de l’expansion des civilisations qui ne respectent pas les autres civilisations, que se mettent au-dessus d’elles et essaient de les soumettre; le deuxième objectif consiste à empêcher les emprunts  à l’expérience et aux institutions qui conduisent à une dégénérescence de son propre modèle de développement et de la société qui le génère, à la perte des leviers endogènes de croissance de qualité.

Il faut accorder une attention suivie au troisième objectif. Il est formulé de façon presque identique, toujours et partout. Il faut neutraliser « la cinquième colonne » incarnée par ceux qui idéalisent le modèle Occidental, qui le portent (injustement) aux nues, qui insistent sur la nécessité de le copier, qui servent de canal de pénétration d’une influence extérieure.

Telle est, soulignons-le encore une fois, la  présentation schématique du positionnement moral et politique des eurasistes à l’égard de l’interaction entre les civilisations. C’est un des deux piliers de la philosophie politique qu’ils  revendiquent. Le second pilier consiste à expliquer cette autre civilisation spécifique qu’ils considéraient nécessaire de préserver ; ils insistaient sur la nécessité de son évolution singulière, sur son importance intemporelle pour la civilisation humaine dans son ensemble[28]. D’après eux, un millier (ou même plus) d’années de coexistence des peuples de l’Eurasie a fait apparaître chez eux une aspiration commune à l’unification, à une recherche conjointe de la solution aux  problèmes qu’ils rencontrent, à un respect réciproque, à une compréhension qu’ils seront plus forts ensemble, plus à l’aise pour se battre pour un avenir meilleur ; une aspiration à un enrichissement réciproque de leurs cultures.

Les tentatives incessantes de créer une structure étatique transcontinentale commune en sont la preuve.

Les partisans de la Grande Communauté Eurasiatique et de l’ethnogenèse[29] considèrent que la Horde d’Or fait partie de ces tentatives, comme  en font partie les campagnes militaires de Tamerlan (Timour le Grand), qui a lié par son pouvoir des territoires gigantesques du Grand Orient – Proche, Moyen et Extrême, ou encore l’Empire Russe ou l’Union Soviétique avec les Pays du camp socialiste ou à orientation socialiste. Ce n’est pas étonnant qu’une partie des eurasistes, qui appartenaient à l’émigration blanche, à la fin des années 1920 soutînt l’unification des peuples de l’Eurasie au sein de l’URSS ; ils le voyaient comme une reconstitution de l’Empire Russe dans de nouvelles conditions sociales et historiques. D’ailleurs ils considéraient l’Empire Russe non pas comme une contrainte, un asservissement et une oppression (comme le présentent aujourd’hui des chercheurs Occidentaux, et comme l’affirmaient avant eux les communistes : « prison des peuples », d’après Lénine), mais comme une communauté multinationale des peuples, historiquement justifiée et légitime, dont les formes peuvent être différentes. Il est curieux que nos confrères indiens que nous croisons sur les plateformes de discussion, en abordant les questions d’actualité politique internationale, déclarent franchement et fermement, sans point le cacher, que Dehli se sent responsable du sort de la Grande Asie Centrale, y compris les ex-Républiques centrasiatiques de l’URSS. Cette attitude s’explique par des liens profonds entre eux, créés dans un passé très lointain, il y plus de sept cents ans, par Timour le Grand (Tamerlan).

Un seul hic : pour donner plus de crédibilité à leurs conceptions théoriques, les eurasistes ont inventé l’existence – en plus de l’Europe et de l’Asie — d’un continent Eurasien, d’une Terre Médiane, d’une Russie-continent, qui serait situé entre les deux. Ce n’est ni l’Europe, ni l’Asie, mais une entité avec une histoire, une culture et une prédestination bien à elle, incluant aussi bien les traits de l’Europe que de l’Asie. A cet égard on a l’impression, quand on prend connaissance des œuvres des eurasistes, que leurs hypothèses s’accordent d’une certaine façon avec la pensée des premiers théoriciens éminents, britanniques et américains, de géopolitique concernant une éternelle  confrontation  des deux civilisations — intercontinentale et océanique, qui sont en état de guerre permanente pour la domination, concernant la théorie de Heartland, les Etats-tampons et les Etats périphériques, concernant la politique conditionnée par la géographie. En apparence cette allusion est juste, mais en substance – non. Puisque les eurasistes, à la différence des théoriciens britanniques et américains, n’ont jamais soulevé la question de l’hégémonie de l’Eurasie sur les autres territoires. Qui plus est, les eurasistes ont toujours insisté sur le caractère pacifique et constructif que doivent avoir la confrontation et la concurrence (ce qui est aussi contraire aux postulats des pères-fondateurs anglo-saxons de la théorie géopolitique) ; la confrontation et la concurrence doivent concerner des domaines tels que la culture, l’organisation de la société, le modèle de développement socio-économique, mais surtout pas la soumission des autres.

C’est à la troisième étape de l’évolution de l’eurasisme, après l’effondrement de l’Union Soviétique, que certaines forces politiques ont profité du bagage idéologique des eurasistes afin d’avancer l’idée selon laquelle la civilisation océanique (c’est à dire – Occidentale) a utilisé certains effets de la fin de la Guerre Froide au préjudice de tout le monde ; que cette civilisation océanique a pour objectif stratégique la domination  de tous les autres ; qu’elle ne recule même pas devant le déclenchement de la Troisième guerre mondiale.

Alors il faut donc riposter, lui tenir tête, résister avec tous les moyens possibles, y compris les armes à la main.

Pour contrecarrer ces idées, les forces saines de la société postsoviétique se sont prononcées pour un usage constructif de l’héritage conceptuel de l’eurasisme, pour construire l’avenir en s’inspirant de ses idées unificatrices et de ses principes d’égalité, de coopération et d’enrichissement réciproque des cultures-sœurs. Le leader kazakh Noursoultan Nazarbaïev a pertinemment démontré comment on peut et comment il faut le faire. Il a justifié la nécessité de la réintégration des peuples de l’espace postsoviétique. Des propositions ont été faites d’instaurer une union économique avec un potentiel énorme d’auto-développement, qui évoluerait rapidement des formes élémentaires d’intégration vers des formes les plus avancées. Noursoultan Nazarbaïev, comme le reconnaissent tous les hommes politiques éminents de la région, a apporté une énorme contribution personnelle pour que voient le jour l’Union Douanière, la Communauté et puis l’Union économique eurasiatique. Il a étayé les principes fondamentaux de la mise en place de ces Unions, y compris le postulat prépondérant selon lequel toute nouvelle union doit être fondée sur les valeurs suprêmes de la conception d’une nouvelle communauté, à savoir l’inclusivité, l’égalité souveraine, le respect de l’identité culturelle et socio-politique, l’ouverture et la disponibilité à « l’intégration des intégrations » [l'établissement d'une coopération entre l'UE et l'Union économique eurasiatique (UEE)].

Les eurasistes de la quatrième vague, ou génération[30], sont allés plus loin sur la voie tracée par Noursoultan Nazarbaïev et autres idéologues de la reconstitution/reconstruction de la communauté désagrégée.

Ils ont élaboré les concepts de la création de la Grande Eurasie, de la Grande Communauté Eurasiatique, du GlobGPEA (Grand partenariat eurasiatique global). Ils ont prouvé que ces unions profitent à tout le monde, et que les projets de leur construction sont tout à fait réalisables. Des experts du Conseil de la politique extérieure et de la défense (SVOP)[31], du Club Valdaï [32], de l’Université nationale de recherche « Ecole des hautes études en sciences économiques » (EHESE), de la Banque eurasiatique de développement[33], de certaines autres structures internationales universitaires et de recherche ont apporté leur contribution à ce travail. Cependant c’est Sergueï Karaganov[34], un des experts russes les plus connus, doyen de la faculté  d’économie et politique mondiales de l’EHESE, président d’honneur du SVOP, qui a donné un caractère de programme politique à tous ces arguments et propositions disparates. Il a réussi à faire adopter par les masses les idées du GlobGPEA, aussi bien en Fédération de Russie qu’ailleurs.

Les eurasistes de la quatrième vague se sont montrés dignes de leurs prédécesseurs. Ils ont reconsidéré de manière créative leur héritage intellectuel en utilisant les nouvelles données relatives aux principales tendances de la mondialisation et de la super-régionalisation, l’expérience du développement moderne ainsi que la « polyphonie » des théories sur l’évolution en zigzag de l’économie et de la politique mondiale. Ils ont adapté les idées des premiers eurasistes aux besoins évolués de la société.

Surtout, ils ont repris tout ce qui est le plus positif, à savoir les doctrines de l’évolution non linéaire, de l’enrichissement réciproque des cultures, de la nécessité d’une opposition constructive aux tentatives d’imposer aux autres une exclusivité civilisationnelle, de la ressemblance historique et de l’obligation impérative de mettre en commun tous les efforts à l’échelle de la Grande super-région eurasiatique pour résoudre les problèmes communs et atteindre des objectifs partagés[35].

Notamment, ils ont vu une ébauche du futur GlobGPEA. Ils ont proposé d’utiliser l’Organisation de coopération de Shanghai (dont la Russie et la Chine sont les leaders), l’Union Economique Eurasiatique, la coopération avec l’Inde, les pays de l’ASEAN, l’Iran et la Turquie,  en tant que constructions porteuses du GlobGPEA. Ils ont démontré l’importance de la contribution que la Russie (et la transformation économique de la Sibérie et de l’Extrême Orient russe qu’elle propose) pourrait apporter au GlobGPEA. Ils ont supposé que le GlobGPEA pourrait neutraliser une tendance nationaliste éventuelle dans la politique intérieure et extérieure de Pékin, pourrait transformer la puissance économique de l’Empire Céleste en moteur de développement de toute la super-région. Ils ont prévenu que la mise en place du GlobGPEA pourrait rencontrer une résistance acharnée de la part des forces externes, qui préféreraient la poursuite de la politique « diviser pour régner » afin de semer la zizanie entre les participants du GlobGPEA, en utilisant aussi bien les différends existants que les ambitions de certains pays, y compris l’Inde, le Pakistan, la Turquie et d’autres. Il faut y être préparé.

Ils ont indiqué que la Russie ne serait capable de jouer le rôle d’initiateur, de locomotive et de garant du GlobGPEA qu’à condition que ses efforts dans la politique extérieure soient appuyés par des réformes économiques systémiques réussies, qui sont indispensables pour la relance de la croissance économique accélérée, stable et de qualité.

 

Adéquation du Grand Partenariat Eurasiatique global avec l’ordre mondial moderne

A la fin de la Guerre Froide, rendue possible grâce aux efforts et à l’abnégation de Mikhaïl Gorbatchev, et après l’effondrement de l’Union Soviétique, l’opinion publique internationale a subi une attaque informationnelle d’une ampleur et intensité inégalées. De jour en jour, d’année en année tous les médias internationaux, tous les hommes politiques éminents et tous ces politologues à qui on a laissé l’accès aux médias, imposaient les idées du monde unipolaire. Cette campagne médiatique a eu un énorme succès. Tous, absolument tous ont accordé crédit à cette histoire du monde unipolaire. Elle a traversé victorieusement tous les Pays et toutes les régions, en gagnant à sa cause même les cercles intellectuels qui s’y montraient critiques. En Occident, cette histoire, on l’a crue éperdument ; dans les Pays et régions tiers, on s’y est résigné, en Russie y compris.

Par la suite, quand l’inconsistance et le caractère néfaste (de ces constructions  théoriques sur le monde unipolaire) se sont révélés dans toute leur splendeur et sont devenus évidents, il est arrivé une aberration de la conscience. Au lieu de démentir et de détrôner cette histoire, on lui a redonné plus d’autorité et de crédibilité.

Qu’est-ce qu’affirment actuellement les représentants les plus brillants et indépendants de l’establishment politique et des cercles d’experts en Russie, en Chine, en Inde etc., mais aussi en Europe unie et aux USA ? Ils affirment que le monde bougerait de l’unipolarité vers la multipolarité, qu’il est en phase de transition. Il n’est pas clair du tout quelle forme prendront dans l’avenir l’ordre mondial et les nouvelles règles du jeu. Une incertitude totale règne en maître, surtout après l’élection de Donald Trump en tant que 45ième Président des USA, élection que plusieurs personnes en Occident se sont empressées de surnommer de « trumpocalyps »[36], qui y voient un signe de ce que les USA seraient devenus « un Etat manqué et une société ratée »[37]. Vaut-il la peine ou non de faire une croix sur la coopération transpacifique et transatlantique, sur l’accord de Paris sur le climat, sur le soutien par les Etats-Unis de l’Alliance atlantique nord et de la Nouvelle Europe ? Personne ne peut prévoir quel impact la victoire de Donald Trump aura sur la politique internationale[38] et l’économie mondiale[39].

Personne ne peut prévoir l’avenir des relations américano-allemandes[40], américano-russes[41] ou américano-chinoises[42], ni du système même des liens internationaux[43].

Quelle naïveté ! En réalité l’ordre mondial unipolaire n’a jamais existé. L’ordre mondial, instauré après la victoire sur le fascisme allemand et sur le militarisme japonais lors de la Seconde guerre mondiale et incarné par l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de Sécurité de l’ONU, la Charte de l’ONU et le droit international qui est fondé sur cette Charte, cet ordre mondial en question n’a pas disparu. C’est toujours l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force sans la sanction du Conseil de sécurité de l’ONU, l’égalité souveraine des Etats,  le droit à l’autodétermination  la non-ingérence dans les affaires intérieures et qui constituent l’alpha et l’oméga du droit international[44].

Suite à l’autodestruction, avec l’assentiment de Mikhaïl Gorbatchev, du camp socialiste, suite à la disparition de l’URSS de la carte politique du monde et un affaiblissement colossal, dû à cette disparition, de tous les Pays de l’espace postsoviétique, contraints de s’adapter à une existence dans des conditions radicalement différentes, suite à tous ces évènements il y a eu une redistribution monstrueuse des forces au bénéfice des Etats-Unis d’Amérique et de l’Occident collectif. Le pouvoir et l’influence dans le monde ont été concentrés entre leurs mains. Pour un certain laps de temps, bien évidement. Les pays de l’OTAN, avec les USA en tête et avec le soutien de l’UE, ont essayé de légitimer ce nouveau rapport de forces en tant que nouvel ordre mondial. Ils ont essayé de conforter leur position dominante sur la planète, de garder les mains libres à l’égard des Pays tiers, ils ont essayé de se réserver le droit de définir unilatéralement les standards de l’évolution interne des Etats, de s’arroger le droit de juger qui a tort et qui a raison dans les différends et les conflits internationaux, de trancher les questions de guerre et de paix en usurpant les attributions/les compétences du Conseil de sécurité de l’ONU. Ils ont essayé, mais ils n’ont pas réussi. Plus exactement, ils n’ont pas eu le temps. Aucune nouveauté postulée par eux n’a été incluse dans le droit international. L’ordre mondial instauré par les puissances  qui ont gagné la Seconde guerre avec la contribution déterminante de la Russie (compte tenu du fait qu’elle est un Etat-successeur de l’URSS), cet ordre mondial a tenu bon.

Essayons d’expliquer pourquoi la reproduction du mythe du monde unipolaire est préjudiciable aux intérêts de la Russie, de la Chine et de tous les autres acteurs mondiaux qui prônent la coopération internationale équitable, la non-ingérence dans les affaires des autres Etats, l’égalité souveraine et l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force en violation de la Charte de l’ONU, pourquoi cette reproduction en question met en péril leurs positions internationales et juridiques.

(1) La substitution de la réalité objective par un mythe de monde unipolaire rend légitime l’hégémonie, ou la domination, mondiale des Etats-Unis et de leurs alliés, avec tout ce qui s’en suit comme conséquences. Elle transforme la force en droit malgré qu’une distance énorme les sépare ; elle prend l’ordre mondial en tant que projet, résultant des dispositions législatives et garanti institutionnellement, de l’édification d’une communauté internationale et met à la place de cet ordre juste un rapport de forces provisoire, établi au début des années 1990.

(2) Cette substitution rend légitime un autre mythe, cette fois celui de la victoire remportée par les Etats-Unis et leurs alliés dans la guerre froide, qui en tant que puissances gagnantes ont instauré un nouvel ordre mondial en Europe, dans la région euro-atlantique et sur la planète entière ;  ce mythe est  aussi préjudiciable à la politique mondiale appliquée au quotidien. En profitant du changement provisoire dans le rapport des forces à leur profit, ils ont gardé les institutions « otaniennes » de l’époque de la guerre froide, ils ont réalisé leur expansion territoriale et ont essayé de les imposer en tant que maîtres de la destinée de tout et de tout le monde, ayant droit à une expansion subséquente.

Sous n’importe quel prétexte et par tous les moyens possibles, ils ont inclus dans la composition de ces institutions des anciens membres du camp socialiste et quelquesPpays surgis des ruines de l’URSS, et cela malgré le fait que tous ces Pays en question auraient dû garder le statut politico-juridique des Etats neutres et non-alignés, ce qui normalement découlait de la compréhension de la fin de la Guerre Froide.

(3) Cette substitution transforme la Russie et la Chine en Pays-revanchards, en Pays-renégats, en opportunistes qui sapent l’ordre mondial établi en fonction des résultats de la Guerre Froide, et tout ceci parce que ces deux Pays plaident en faveur d’un multilatéralisme à l’inverse de l’unipolarité. Cette substitution met tout sens dessus-dessous, car on pourrait penser que ce sont les USA et leurs alliés, ainsi que « l’Occident collectif » en sa totalité,  qui soutiendraient  la légalité internationale, tandis que la Russie et la Chine essayeraient de les saper et les transgresseraient régulièrement, en Europe aussi bien qu’au Proche Orient ou en mer de Chine méridionale.

(4) Cette substitution présente la politique du Kremlin comme étant absolument inconsistante, aventuriste et imprévisible, puisque le Kremlin, soi-disant, tenterait de détruire l’ancien ordre moral pour en construire un nouveau, n’ayant pour ce faire aucune raison valable ni ressource nécessaire, étant en position de faiblesse. Il est évident que la puissance économique de la Russie n’est pas à la mesure de celle des USA, encore moins des USA et de l’EU réunis. Sur le plan militaire aussi, la Russie perd devant les Etats-Unis. Le budget militaire russe est à peine supérieur à celui de la France et de la Grande Bretagne, mais inférieur même à celui de l’Arabie Saoudite, sans parler des USA, qui dépensent pour leurs besoins militaires 10 fois plus que la Russie. Devant un tel rapport de forces, insister sur « la répartition du monde » frise la folie. Il suffit de remettre les choses à leur place et de raviver l’idée que la Russie défend le vrai et réel ordre mondial contre tout acte attentatoire pour que ces qualificatifs outrageux soient perçus tout à fait différemment : on y verra ce qu’ils sont en réalité, à savoir : des artéfacts de la guerre d’information, de la propagande, de la tromperie et du leurre, un désir de faire une injure maximale à ceux qui se battent pour la vérité et la justice, surtout à ceux qui sont à l’avant-garde de ce combat.

(6) Cette substitution dénature la politique du Kremlin à l’avantage des USA, de l’OTAN et de l’UE, elle permet d’ignorer les diverses initiatives russes en matière de  politique étrangère, comme, par exemple, celles qui visent la conclusion du Traité pour la sécurité européenne. Elle permet de cataloguer de la façon la plus déplaisante possible toute action de Kremlin  — dans le domaine de la politique intérieure ou extérieure, que ce soit en Ukraine, en Syrie, dans le domaine de la cessation de la course aux armements dans l’espace etc.

L’image du monde va radicalement changer[45], lorsque les assertions d’unipolarité seront chassées du trône, où elles s’étaient installées arbitrairement, et lorsque les notions objectives d’une large coopération internationale et de multilatéralisme seront affirmées en tant que caractéristique principale de l’ordre mondial moderne, afin de défier tout euro-, OTANo- ou Washingtono- centrisme et l’unilatéralisme.

(1) Conformément à cette substitution, la Charte de l’ONU et le droit international qui en surgit décrivent comment le monde doit être organisé et en quoi consistent les devoirs des Etats. Les prétentions à l’unipolarité et au droit aux actions unilatérales sont en complète contradiction avec elle[46].

(2) Ce sont les USA, l’OTAN et l’EU qui représentent les forces qui sapent l’ordre mondial moderne, et personne d’autre.

(3) Leurs agissements en Ukraine, en Lybie, en Iraq, en Syrie, au Soudan au Yémen et ainsi de suite, constituent une atteinte non dissimulée à l’ordre mondial actuel et au droit international moderne.

(4) Ils méritent une condamnation sans réserve et une riposte adéquate.

(5) Ce sont la Russie, la Chine, leurs alliés et partenaires, ainsi que les organisations internationales qu’ils ont créées, qui remplissent le rôle de garant de l’ordre mondial réellement existant et du droit international moderne.

(6) Ils ont assez de ressources pour accomplir cette tâche. Notamment, le rôle de défenseur des droits, de la justice et de la moralité appartient légitimement à Moscou. La Russie est un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, une des deux puissances dont dépend la stabilité stratégique (nucléaire), elle est la principale puissance politico-militaire de la planète. La Russie a mérité ce rôle grâce à son histoire, son expérience, ses sacrifices et ses réalisations[47].

Dans ce contexte, le GlobGPEA représente un projet qui surgit naturellement de l’ordre mondial moderne, un projet qui est en parfaite conformité avec cet ordre, qui concentre en lui les meilleures caractéristiques de ce dernier. Un projet ouvert à tous, et c’est très important.

La conclusion, qui découle naturellement de la logique des réflexions ci-dessus, est la suivante : le GlobGPEA n’est pas une « fiction non scientifique », comme l’affirment avec insistance nos contradicteurs, c’est un des projets indicatifs de l’avenir, qui a de bonnes chances de devenir une réalité. Tous les peuples du monde, toutes les forces saines de l’ordre mondial moderne ont tout à gagner de la réalisation pratique du projet de GlobGPEA.

© Mark ENTINE,
professeur de l’Institut d’Etat des relations internationales de Moscou (MGIMO),
professeur invité de l’Université fédérale balte Emmanuel Kant

Ekaterina ENTINA,
Maître de conférences  de l’Université nationale de recherche
«Ecole des hautes études en sciences économiques» (Russie)

[1] Le Centre d’études de la politique européenne (CEPS), The Centre for European Policy Studies (CEPS), http://www.ceps.eu/content/about-ceps

[2] « Visite de Tigran Sargsian à Pékin : nouvelle impulsion à la « conjugaison » entre l’UEEA et la Ceinture économique de la voie de la soie », Commission économique eurasiatique, le 24 août 2016  http://www.eurasiancommission.org/ru/nae/news/Pages/24-08-2016-1.aspx

[3] « L’UEEA et la RPC sont prêts à passer aux négociations sur l’accord de coopération commerciale et économique », Commission économique eurasiatique, le 26 juin 2016  http://www.eurasiancommission.org/ru/nae/news/Pages/28-06-2016-1.aspx

[4] En anglais : http://www.eurasiancommission.org/ru/act/trade/dotp/sogl_torg/Documents/EAEU-VN_FTA.pdf

[5] «L’Accord de libre-échange entre l’UEEA et le Vietnam entre en vigueur », TASS, le  5 octobre 2016 http://tass.com/economy/901197

[6] « Conseil Suprême Economique Eurasiatique : les Etats de l’UEEA commencent les négociations avec la Serbie sur la zone de libre-échange », RIA Novosti, le 31 mai 2016 https://ria.ru/world/20160531/1441164875.html

[7] « Poutine: les négociations entre l’UEEA et l’Inde sur la zone de libre-échange pourraient commencer en décembre », Mir pérémen, le 16 octobre 2016 (Note: In Russian, with added table of contents and summaries in English) http://mirperemen.net/2016/10/putin-peregovory-o-zst-mezhdu-evrazes-i-indiej-mogut-nachatsya-v-dekabre-podrobnee-na-tass-httptass-ruekonomika3707071/

[8] « Poutine : la Russie et Israël vont commencer les négociations entre l’UEEA et Israël sur la zone de libre-échange », Vzgliad, le 7 juin 2016 http://www.vz.ru/news/2016/6/7/814906.html

[9] « Négociations entre l’Egypte et les Etats-membres de l’UEEA sur la création de la zone de libre-échange pourraient avoir lieu avant la fin de l’année », Centre Eurasiatique de communication, le 16 juin 2016, http://eurasiancenter.ru/news/20160616/1004380895.html

[10] « Medvedev : l’UEEA négocie des accords de libre-échange avec 40 Etats », IA REGNUM, le 17 octobre 2016 https://regnum.ru/news/polit/2193569.html

[11] « Medvedev : l’UEEA négocie des accords de libre-échange avec 40 Etats », IA REGNUM, le 17 octobre 2016 https://regnum.ru/news/polit/2193569.html

[12]  http://rus.sectsco.org

[13] Le gazoduc « Force de la Sibérie » apportera le gaz, provenant des gisements d’Irkoutsk et de la Iakoutie, aux consommateurs russes de l’Extrême-Orient et à la Chine (« itinéraire oriental ») http://www.gazprom.ru/about/production/projects/pipelines/built/ykv/

[14] Anjana Pasricha, “India Deepens Ties with Russia, Highlights Cross-border Terror”, VOA, 15 November 2016, http://www.voanews.com/a/brics-summit/3552704.html

[15] ‘‘« Rosneft » a signé un contrat d’acquisition des 49% de l’entreprise indienne « Essar » , IA RAMBLER news service, le 15 octobre 2016, https://rns.online/energy/Sdelka-po-pokupke-Rosneftyu-Trafigura-i-UCP-indiiskoi-Essar-Oil-sostavit-129-mlrd-2016-10-15/

[16]« Le gouvernement [russe] approuve la vente à ONGC d’une participation de 11% dans « Vankorneft »’’, Igor Setchine, Rumbler/finances, le 13 octobre 2016 https://finance.rambler.ru/news/2016-10-13/pravitelstvo-odobrilo-prodazhu-indiyskoy/

[17] «Le Venezuela et « Rosneft » négocient la fourniture du pétrole à la raffinerie Essar Oil en Inde”, “Neftegazovaïa vertical”, le 25 octobre 2016

http://www.ngv.ru/news/venesuela_obsuzhdaet_s_rosneftyu_postavki_nefti_na_npz_essar_oil_v_indii_/?sphrase_id=4742880

[18] Roustam Tankaev « Carte blanche. Chaînes intégrales globales de Setchine [chef de Rosneft] », Nézavissimaïa, le 19 novembre 2016 http://www.ng.ru/economics/2016-10-24/4_6842_sechin.html

[19] http://www.korolev.ru/infrastructure/npk/rkkenergia/; http://www.energia.ru

[20] http://www.rosatom.ru/about/; http://atomenergoprom.ru/en/

[21] Pronostic de développement énergétique dans le monde et en Russie en 2016, http://ac.gov.ru/files/publication/a/10585.pdf

[22] Dans son discours prononcé lors de ce Forum, le Président de la Russie, V. Poutine, a déclaré : « Nous soutenons l’initiative des compagnies de la Russie, du Japon, de la République de Corée et de la Chine qui consiste à créer un anneau énergétique liant nos pays », https://eadaily.com/ru/news/2016/09/03/putin-podderzhal-ideyu-edinogo-energeticheskogo-kolca-s-vedushchimi-stranami-azii

[23] Par exemple : Conception de la présidence de la Fédération de Russie dans une association internationale des BRICS en 2015-2016, http://brics2015.ru/russia_and_brics/20150301/15383.html; http://en.brics2015.ru/russia_and_brics/20150301/19483.html Rapport analytique : Tatiana Illarionova, « Dans la dynamique des changements globaux. Au sujet des sommets des BRICS et de l’OSC à Oufa », Gossoudarstvennaïa sloujba, 2015, n°4 (96) http://pa-journal.ranepa.ru/articles/r60/3153/

[24] http://russiancouncil.ru/arctic2016  et http://russiancouncil.ru/en/arctic2016

[25] Un synopsis des initiatives émises par N. Nazarbaïev est présenté dans un article de fond « Rôle du leader national N. Nazarbaïev dans l’assurance de la sécurité en Asie Centrale », New Times, 1.12.2015, http://newtimes.kz/silovoj-blok/item/23417-rol-lidera-natsii-n-nazarbaeva-v-obespechenii-bezopasnosti-v-tsentralnoj-azii

[26] Marc Entine, Ekaterina Entina « Droit international à l’époque du changement », « Toute l’Europe », 2016, n°9 (113)

[27] Marc Entine, Ekaterina Entina «En soutien du projet géopolitique de la Grande Eurasie »,  « Toute l’Europe », 2016, n°6 (111)

[28] Mark Entine, Ekaterina Entina, “Russia’s role in promoting Great Eurasia geopolitical project”, Rivista di studi politici internazionali, Luglio-Settembre 2016, Anno 83, Fasc. 331, p. 331-352

[29] Lev Goumiliov, Eurasie : « Découverte de Khazaria. Zigzag de l’histoire. L’ethnogenèse et la biosphère de la terre. Un millénaire autour de la mer Caspienne. » (Série : Bibliothèque Universum), Ripol-Classique, 2014, 11248 p. ; Lev Goumiliov, L’ethnogenèse et la biosphère de la terre, http://www.e-reading.club/book.php?book=17542

[30] Cette systématisation des étapes d’évolution de l’idée eurasiste a été introduite dans l’usage scientifique par Marc et Ekaterina Entine dans “The New Role of Russia in the Greater Eurasia”, Strategic Analysis, Special Issue: Russia in Global Affairs, V. 40, N. 6, November-December 2016, p. 590-603.

[31] http://svop.ru

[32] http://ru.valdaiclub.com

[33] http://www.eabr.org

[34]  http://www.karaganov.ru

[35] Marc Entine, Ekaterina Entina, “The New Role of Russia in the Greater Eurasia”, Strategic Analysis, Special Issue: Russia in Global Affairs, V. 40, N. 6, November-December 2016, p. 590-603.

[36] Petr Pouchkarev «Il était une nuit, il était un jour », Nezavissimaïa Gazeta (Journal indépendant), le 11 novembre2016, p.4

[37] Paul Grougman, « Ce n’est pas le moment de se rendre », Nezavissimaïa Gazeta (Journal indépendant), le 15 novembre2016, p.5

[38]Fedor Loukianov « Les USA comme source d’imprévisibilité. Comment la victoire de Donald Trump dans la course présidentielle affecterait la politique mondiale », Ogoniok, n°45, le 14 novembre 2016, p. 12-13

[39] “The sectors set to gain and those braced for pain as Trump triggers dollar surge”, FT reporters, Financial Times, 2016, November 17, P. 15.

[40] Stefan Wagstyl, “Merkel’s new role of global liberal leader has its limitations”, Financial Times, 2016, November 17, p. 4.

[41] Vladislav Inozemtsev « Que faut-il changer dans la politique extérieure russe après le Brexit et la victoire de Trump », RBC+, le 16 novembre2016, p.9

[42] John Plender, “Trump’s folly in picking a fight with Beijing on trade”, Financial Times, 2016, November 17, p. 9.

[43] William A. Galston, «Trump Threatens the Postwar Order”, The Wall Street Journal, 2016, November 17, p. A11.

[44] Le présent point de vue est étayé pas à pas, argument par argument dans : Marc Entine, Ekaterina Entina «Les pierres angulaires de l’ordre mondial d’après-guerre et du droit international moderne : des regards depuis Moscou et Pékin », Revue de droit international de Moscou, 2016, N°3

[45] Marc Entine, Ekaterina Entina « Une parité dans les relations entre la Russie et l’Union Européenne est-elle possible ? », Vsia Evropa (Toute l’Europe), 2016, n°10 (114)

[46] «Les pierres angulaires de l’ordre mondial d’après-guerre et du droit international moderne : des regards depuis Moscou et Pékin », Revue de droit international de Moscou, 2016, N°3

[47] Marc Entine, Ekaterina Entina « Une parité dans les relations entre la Russie et l’Union Européenne est-elle possible ? », Vsia Evropa (Toute l’Europe), 2016, n°10 (114)